Prend ta croix
« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, qu’il porte sa croix chaque jour, et qu’il me suive. »
L’as-tu entendue, mon scout, cette parole ? Tu as promis de venir après moi, puisque tu as promis de me servir, et qu’on ne sert pas à distance.
Mais dis-moi, te renonces-tu ?
Te renoncer, c’est laisser là ta volonté pour faire la mienne. Et je te manifeste la mienne particulièrement par ta loi scoute que mon vicaire a bénie.
Observe ta loi, et ton abnégation ne sera pas un vain mot.
Renonce au mensonge et à la duplicité.
Et à la critique et à l’égoïsme.
A la partialité comme à la brusquerie.
A la méchanceté comme à la taquinerie.
Et à la désobéissance, qui est le péché de Satan.
Et à l’orgueil, qui fait les désobéissants.
Et à la prodigalité, qui mène à la luxure.
Et à la luxure, qui mène à l’enfer.
Renonce à tout cela, non pas une fois, mais tous les jours.
Renonce à tout cela et tu seras vraiment fort.
Renonce à tout cela ou renonce à mon Paradis.
Porte ta croix.
J’aime à voir ta croix sur ton chapeau.
J’aime encore mieux voir la mienne dans ton cœur, et la tienne sur tes épaules. Porte ta croix.
J’ai porté la mienne, le premier, et ce n’était pas un bijou.
C’est mon sang qui l’a teinte en rouge, entends-tu bien, mon pauvre enfant ?
Ta croix, ce n’est pas toujours une grande souffrance ou une tribulation sans précédent. De telles croix sont pour mes saints privilégiés.
Ta croix, c’est tout ce qui te contrarie.
Depuis le temps qu’il fait jusqu’à une besogne odieuse ; depuis un camarade déplaisant, jusqu’à ton propre caractère qui, peut-être, déplait aux autres.
C’est un insuccès dans tes études ou ta profession.
C’est une injustice dont tu es victime.
Ou tout simplement une maladresse qui fait rire de toi.
Prends ta croix ; porte-la sans geindre ; je n’ai pas gémi sur moi-même en marchant au Calvaire.
Porte-la : je n’ai pas dit : traîne-la.
Si tu la traînes, elle paraîtra plus lourde.
Il n’y a qu’une bonne manière de porter sa croix, c’est de la mettre courageusement sur ses deux épaules. Regarde-moi, je passe devant et t’enseignerai la manière.
Toute ma vie n’a été que croix et martyre :
Croix pour mon corps, depuis le froid de la crèche jusqu’à la pauvreté de Nazareth, jusqu’à la fatigue de ma vie publique, jusqu’au sang de ma passion dont le récit t’a fait pleurer.
Croix pour mon cœur, depuis la persécution d’Hérode, jusqu’à la jalousie des pharisiens et des scribes, jusqu’à la mauvaise foi des docteurs, jusqu’à l’ingratitude de mes miraculés, jusqu’à l’inintelligence de mes apôtres, jusqu’à la trahison de Judas.
Rassure-toi, tu n’as pas une telle carrière à fournir. Porte ta croix avec confiance, car c’est moi qui, chaque jour, la taille à ta mesure.
A la mesure de tes forces et à celle de mon amour.
Porte ta croix, mon scout, viens et suis-moi.
Le scout ne fait rien à moitié.
Ne crois pas trop facilement que ta tâche est accomplie, et avant de te reposer vois s’il ne reste rien que tu puisses faire encore. S’il ne reste rien que tu puisses perfectionner.
Quand le scout rentre au camp après la corvée de bois ou la corvée d’eau, quel est le chef de patrouille qui lui dirait : « Va tout de suite te mettre à table ? »
Ne lui dit-il pas au contraire :
« Prépare le repas de la patrouille, allume le feu, et sers tes frères. Après quoi, tu mangeras et tu boiras à ton tour ? »
Est-ce que le chef doit dire merci à son scout parce qu’il a fait tout ce qui lui était commandé ? – Je ne le pense point, moi qui suis le bon maître.
Parce que le devoir n’est pas un plaisir personnel qu’on fait à son chef.
Et parce qu’au fond nul n’accomplit jamais tout ce qu’on lui commande. Il manque toujours quelque chose.
On peut toujours faire davantage.
On peut toujours faire mieux.
« On n’a jamais fini de faire son devoir. »
Donc, lorsque ta conscience te rendra témoignage que tu es fidèle à mes commandements aussi bien qu’à ta promesse et à ta loi, dis-toi encore que tu n’es qu’un bon à rien, et que ce que tu fais là, ce n’est que ton devoir.
« On n’a jamais fini de faire son devoir. »
Père Sevin
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