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Le décalogue et la loi scoute

CHANOINE CORNETTE - Revue "Le Scout de France" - Février 1925


« Pour moi, le décalogue me suffit »

Cette affirmation était jetée d’un ton ironique par un vieux monsieur très bien en réponse à un petit scout qui, d’une voix émue, venait de lui réciter les 3 principes et les 10 articles de la loi scoute.

Et, pour bien montrer que le décalogue lui suffisait, le vieux monsieur très bien se risqua imprudemment, et malgré les conseils de sagesse qu’eût dû lui suggérer son âge, à réciter les 10 commandements que Dieu donna à Moïse sur le Sinaï.

Il broncha sur le premier, culbuta sur le second et, à partir du troisième, ce fut le naufrage total, désespéré, lamentable ; des bribes de souvenirs lui revenaient, où se mêlaient les commandements de Dieu et de l’Eglise et formaient un accouplement de mots, d’où sortaient les préceptes le plus bizarres, les plus incohérents, les plus invraisemblables.

Le petit scout ne put, malgré lui, retenir un sourire. Mais selon son code il devait être courtois et chevaleresque, et que d’autre part le sauvetage est une BA, recommandée et souvent pratiquée aux scouts, généreusement, à l’aide de la Loi Scoute il vint au secours du vieux monsieur très bien.

A nous aussi, dit-il, le décalogue nous suffit, car il n’est pas seulement l’expression de la loi naturelle ; il est au surplus, l’expression positive de la volonté divine. Mais grâce à la loi scoute, nous l’interprétons et le vivons à la manière de l’Evangile. Ainsi croyons-nous accomplir la volonté de Celui qui est venu, a-t-il dit lui-même non pour abroger la Loi, mais pour la compléter.

C’est ainsi que le décalogue par exemple, pose son premier commandement le grand devoir de l’adoration : « tu adoreras le seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui seul ». L’Evangile reprend ce commandement et ajoute au devoir de l’adoration, à la crainte révérencielle, le devoir très doux d’aimer le Père qui est aux cieux, et il complète ainsi le 1er commandement : « un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement ».

Mis en verve, le petit scout continua à l’étonnement du vieux monsieur très bien : « le décalogue, dit-il, n’établit pas seulement des principes il ordonne des actes, il prescrit des devoirs, il impose des défenses. La loi scoute n’ordonne rien. Elle dit simplement au scout : voilà les vertus que tu pratiqueras ; voilà ce que tu seras si tu veux être vraiment scout ; et tu ne seras cela et tu ne pratiqueras ces vertus que si tu observes le décalogue avec une perfection toute évangélique ».

Le décalogue dit « tu ne mentiras pas ». La loi scoute dit : « c’est parce que le mensonge te répugne que tu es loyal, que tu mérites confiance, que tu es un garçon d’honneur ».

Le décalogue dit : « tu ne voleras pas », la loi scoute dit : « non seulement le scout ne prend pas le bien d’autrui, mais in en est soigneux ».

Le décalogue dit : « tu ne commettras pas d’homicide, tu ne frapperas pas ton frère, tu ne lui diras pas des injures ». La loi scoute dit : « ce n’est pas assez pour un scout de respecter la vie d’autrui, d’éviter toute querelle et toute injure » : ce sont là devoirs purement négatifs dont le seul accomplissement ne saurait satisfaire l’âme courtoise et chevaleresque d’un scout. Frère de tout autre scout, quelle que soit sa condition, il est au surplus l’ami de tous. A l’exemple du bon samaritain, il se pense sur ceux qui ont besoin de son aide pour les servir et au besoin les sauver.

Sur le modèle de Saint François d’Assise, il voit Dieu dans toutes les œuvres de la création et témoigne sa bonté aux animaux eux-mêmes S’il doit les détruire parce qu’ils sont nuisibles, il le faut sans cruauté.

Le décalogue par le 6ème et le 9ème commandement défend les actes que la morale condamne. La loi scoute veut que son adepte ait une âme cristalline, que ses paroles ne scandalisent jamais ses petits frères et que sa conduite soit irrépréhensible : « le scout est pur dans ses pensées, dans ses paroles et dans ses actes ».

La loi scoute complétée par les 3 principes, veut que ce soit d’abord à la maison, à l’égard des parents, à l’égard de tous ceux qui au foyer exerce une autorité que le scout obéisse sans réplique et qu’il pratique le devoir d’assistance, d’économie, de dévouement et de belle humeur.

Et si, par extension, le 4ème précepte du décalogue prescrit des devoirs envers la Patrie, le 2ème principe des Scouts de France rappelle au scout qu’il est fils de France et qu’à ce titre, considérant la France comme une mère, il aura envers son pays tous les dévouements par lesquels se reconnait le bon citoyen.

Enfin, les 3 premiers préceptes du décalogue, précisant les devoirs de l’homme envers Dieu, ne sont-ils pas magnifiquement illustrés et résumés dans le 1er principe : « le scout est fier de sa foi et lui soumet toute sa vie » ?

Le vieux monsieur très bien avait écouté avec émotion le petit scout démontrer comment le scoutisme catholique trouve sa loi dans le décalogue et l’Evangile, et il se souvint de la belle image que le petit scout lui avait un jour montrée et qui représente un enfant debout devant une table sur laquelle s’étale une carte géographique. Le petit chercheur de route semble hésiter sur le chemin à prendre et, tandis qu’anxieux il interroge l’horizon, la main du Christ-Jésus se pose sur son épaule, et des lèvres divines, il semble qu’on entende ces mots : « le décalogue et l’Evangile, inspirateurs de la loi, t’ont tracé la route que tu dois suivre, n’hésite plus ! Le chemin, c’est moi ! »

Le vieux loup (Chanoine Cornette)


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